Le whoppshel sur un télescope de 1m
Le plateau de Calern, à coté de Nice, est un site de l’Observatoire de la Côte d’Azur qui héberge entre autres, le C2PU (Centre Pédagogique Planète et Univers)
avec 2 télescopes jumeaux de 1m de diamètre.
Chaque année depuis 2017, avec l’équipe 2SPOT j’ai l’opportunité de réaliser des missions d’observations spectroscopiques sur des cibles faibles en basse résolution sur l’un des deux télescopes. Cette année, nous avons pu utiliser les 2 télescopes de 1m et avons pu monter mon spectrographe Echelle Whoppshel d’une résolution nominale R=30.000 (entre 22.000 et 32.000 selon les ordres) durant 5 nuits et ainsi tester tout son potentiel car ce spectrographe est dédié aux télescopes de la classe de 1m à 1,5m de diamètre alors que chez moi, il est utilisé sur un télescope de 0,4m.
Les télescopes de 1m du C2PU
Ce sont deux télescopes de type Cassegrain ouvert à f/12,5 et d’un diamètre de 1,04m. Ils sont fixés sur une monture équatoriale à fourche de type Anglaise.
Les deux télescopes sont nommées Epsilon pour celui dans la coupole coté Est et Omicron pour celui dans la coupole coté Ouest.
Nous installons le whoppshel sur le télescope Omicron avec 2 réducteurs de focales ramenant la focale native à f/6, nécessaire pour bien injecter le flux dans la fibre de la bonnette du spectrographe. Certe on perd du flux surtout dans le bleu du spectre (avec plusieurs lentilles dans le chemin optique du télescope qui vont couper une partie du flux UV dans le spectre) mais l’utilisation de telles réducteurs sont indispensables pour avoir un bon rendement du Whoppshel. Il serait néamoins préférable d’utiliser le whoppshel sur un télescope dont le rapport f/d soit proche de 6 nativement (avec la bonette prévue à cet effet) afin de ne pas couper le flux dans le bleu et le proche UV. La bonette est équipé d’une caméra ATIK 314L+ pour l’autoguidage de la cible sur le trou de 50µm de la fibre optique.
Montage du spectrographe Whoppshel
Nous avons démonté le whoopshel de son emplacement original qui était utilisé sur un télescope de 400mm de diamètre chez moi, puis tranporté jusqu’au site de l’observatoire de Calern et remonté dans une salle située juste dérrière le télescope Omicron, sur une table en béton stable et isolée du reste du bâtiment pour éviter toutes vibrations pouvant perturber la production de spectres. La masse de 81 kg du spectrographe nécessite un support rigide et stable.
Il faut 4 à 5h pour tout remonter/régler. La tâche a été simplifié par l’usage de cales prédisposées sur le banc optique afin de positionner les divers modules composant le spectrographe à des points précis. L’assemblage des divers modules se fait dans l’ordre du cheminement du flux de lumière à travers le spectrographe (de l’entrée de la fibre jusqu’à la caméra spectrale). A chaque étape du montage, on réalise la focalisation de chaque élément optique pour obtenir une FWHM la plus faible possible (de l’ordre de 4 pixels avec une caméra ATIK 460Ex en bin 1×1 et des pixels de 4,54 µm.
A la fin du montage, on vérifie que l’on obtient bien un spectre echelle couvrant tout le capteur de la caméra et l’on optimise la focalisation en prenant une raie de la lampe Thorium/Argon en emission d’un ordre médian (ordre #58 par exemple) et en réglant la netteté afin d’obtenir une raie la plus fine possible. L’image de droite montre un spectre de la lampe de calibration Thorium/argon : 10s de pose en bin 1×1 avec une ATIK 460Ex.
Essais sur diverses cibles
Durant notre mission au C2PU, nous n’avons eu que 2 nuits exploitables sur les 5 nuits disponibles. Nous avons pu faire une dizaine de cibles stellaires de magnitude variant de 0 à 13.
Tout d’abord, afin de réaliser une réponse instrumentale générique à une hauteur médiane, nous avons fait le spectre de Vega (mag. V=0,03), avec des poses unitaires de 20s de façon à ne pas faire saturer le spectre. (environ 40.000 ADU sur chaque pose unitaire). Le graphe ci-contre montre le profil des 5 premières raies de Balmer (21 poses de 20s).
Toutes les acquisitions sont effectuées depuis la salle de controle du télescope Omicron ou l’on pilote à la fois le pointage du télescope, les acquisitions et lampes de calibration.
On a pu faire des spectres d’étoiles Be comme HD 13669 (mag. V=7,90), HD 21455 (mag. V=6,22), V442 And (Mag. V=6,82) ou encore HD 18552 (mag. V=6,12). Ces spectres ont été déposé dans la base de données Bess
Puis en montant dans les magnitudes faibles, voici le spectre de l’étoile symbiotique AX Per (mag. V=10,42 au moment des acquisitions).
Encore une fois, le temps de pose unitaire a été adapté en fonction de la nature de la cible de façon à ne pas saturer le spectre. La raie H Alpha reste assez intense sur ce spectre également et l’on a utilisé un temps de pose unitaire de 600s. A droite, spectre de AX Per (12 poses de 600s).
La résolution du spectre montre parfaitement le dédoublement des raies du Sodium D1 et D2 entre les raies de l’étoile et les raies atmosphériques.
Conclusion
Nous avons pu faire une dizaine de cibles trés différentes et avons pu même essayer une cible à magnitude V=13,10 (MV Cyg) mais sans grand résultat probant, le spectre étant noyé dans le bruit. On peut estimer au regard des spectres que nous avons réalisé, que la magnitude limite que l’on peut atteindre avec le spectrographe Whoppshel avec un télescope de 1m ouvert à f/6 est de magnitude V=11 avec un snr proche de 100 sur l’ordre #58 si l’on pose 3 heures.
Cette valeur limite en magnitude est bien sur trés dépendante du site d’observation, de la qualité de suivi de la monture sur la cible, son centrage sur la fibre et du nombre de poses total. Sur AX Per, la pose résultante totale est de 2 heures (12 poses de 600s).