Magnitude 17 avec un LISA

Par Olivier Garde

A l’occasion d’une mission de confirmation de nébuleuse planétaire, nous avons pu utiliser un spectrographe LISA sur un télescope de 1m de diamètre, le T1m « Epsilon » du C2PU. Le C2PU possède 2 télescopes jumeaux. L’un est nommé Omicron (coupole Ouest) et l’autre Epsilon (coupole Est). Chaque télescope est monté sur une monture à fourche équatoriale de type Yoke. Ils sont situés sur le plateau de Calern proche de Nice et géré par l’observatoire de la Côte d’Azur. 

Télescope Omicron de 1m de diamètre
(Photo O. Garde)

Coupole « Epsilon » du C2PU
(Photo O. Garde)

Descriptif technique

Le télescope de 1 mètre étant nativement à F/D 12,5, deux réducteurs de focale sont utilisés pour ramener le rapport F/D du télescope à une valeur proche de 7. Le premier réducteur utilisé est celui du C2PU, dédié normalement à ce télescope. Le second est un réducteur de focale Astro-Physics CCDT67.

Le LISA fixé sur le télescope de 1m
(Photo O. Garde)

Le LISA est équipé de 2 caméras CCD ATIK :

  • Une ATIK 314L+ pour l’autoguidage qui permet d’avoir un champ assez large. Ce champ permet de vérifier le centrage de la cible sur la fente du spectrographe et d’assurer l’autoguidage sur une étoile proche de la fente. On utilise ici cette caméra en binning 2×2.

 

  • Une ATIK 414 ex pour l’acquisition des spectres. La caméra dispose de pixels de 6,45µm en binning 1×1,

Une modification importante sur le LISA est apportée afin d’optimiser les chances d’obtenir du signal sur ces cibles très faibles : On met en place la fente de 50 µm de largeur, le flux en signal est ainsi plus important au détriment de la résolution. Le pouvoir de résolution du LISA passe de R=1000 à R=500 environ.

Enfin, les lampes de calibrations du LISA (Tungstène et Néon), sont commandées à distance pour éviter toute intrusions dans la coupole. (on aurait pu utiliser le boîtier SPOX pour cela mais à l’époque de la mission, ce boîtier n’était pas encore disponible).

Les deux caméras sont orientées de manière à obtenir une fente horizontale (pour la CCD d’autoguidage) et un spectre horizontal (pour la CCD «science»).

Le champ de la caméra d’autoguidage est orienté avec le Nord en haut de façon à faciliter les reconnaissances de champs.

Le spectrographe reste à demeure sur le télescope durant toute la mission.

Pointage de la cible et réalisation des spectres

Les cibles que l’on a observées étant très faibles, il faut pouvoir autoguider sur une étoile proche tout en maintenant la cible dans la fente du spectrographe. Une fois le pointage terminé, une image du champ du capteur d’autoguidage est réalisée. Cette image permet d’attester le bon centrage de la fente sur la cible dans les documents annexes. Outre la cible, il faut également réaliser un spectre d’une étoile de référence proche, que l’on peut choisir facilement grâce au tableur réalisé par François Teyssier. Téléchargement ici.

Les coordonnées de la cible sont initialisées dans le tableur et en retour, ce dernier nous fournit la liste des étoiles de référence. Une étoile avec un E(b-v) proche de zéro, qui figure dans la base de données du programme de traitement (ISIS, Demetra) est choisie. Cette étoile à deux fonctions :

  • L’étalonnage en longueur d’onde du spectre à l’aide des raies de Balmer de l’étoile (elles complètent les raies fournies par la lampe Néon).
  • La correction du spectre brut de la réponse instrumentale et de la masse d’air en le comparant avec le spectre de référence réalisé hors atmosphère terrestre.

Salle de contrôle du télescope Omicron avec de gauche à droite :
Bertrand Guégan, Pascal Le Dû et Olivier Garde (Photo O. Garde)

Champ du capteur d’autoguidage
sur la Supernova Sn 2018 Gjx dans NGC 865
(champ de l’ATIK 314L+)

Quelques résultats

1- La supernova Sn 2018 gjx dans la galaxie NGC 865 :

De magnitude 16,9 au moment ou son spectre a été obtenu le 19 septembre 2018 avec 6 poses de 1200s.

Le spectre montre les raies Hα et Hβ en émission.

On a pu le comparer avec un spectre réalisé 4 jours plus tôt (le 15 septembre) avec le télescope NTT de 3m58 de diamètre de La Silla au Chili. Les 2 résultats sont assez similaires avec bien sur un spectre moins bruité pour celui réalisé sur le NTT. Ces 2 spectres montrent également que le profil spectral a évolué significativement en 4 jours.

2- V1546 Cyg, une étoile Be de magnitude V=17 :

La 3ème étoile la plus faible de la base spectrale BeSS et qui n’avait pas encore de spectre au moment de la mission. 

Ici le temps de pose est de 6 x 900s.

Conclusion

On a pu démontrer lors de cette mission que l’on pouvait utiliser un spectrographe LISA sur un télescope de gros diamètre, en prenant tout de même la précaution de monter une fente de 50µm compte tenu de la focale du télescope. Dans ce genre de configuration le boîtier SPOX aurait été d’une grande aide pour piloter à distance les lampes de calibration et de flat du spectrographe. (ici les lampes étaient commandées à l’aide d’une télécommande HF). La magnitude 17 est ici obtenue avec des temps de poses « raisonnables » permettant d’obtenir un rapport signal-bruit proche de 100.

Bibliographie

  • Le rapport de mission 2017 sur la confirmation de nébuleuses planétaires
  • Le C2PU
  • La base de donnée spectrale d’étoiles Be BeSS
  • Le tableur pour déterminer les étoiles de références réalisé par François Teyssier
  • La confirmation de Nébuleuse Planétaires, le groupe PNST (site disponible à partir de mars 2019)